4.5.12

 à moi qui ne semble m'intéresser qu'à ma petite personne
qui fuis les médias
sans oublier dans ma course larvaire
de regarder par dessus mon épaule
pour connaître l'avancée de mes poursuivants
pour voir qu'ils ne sont pas derrière mais sur tous les plans
 ce que l'on a justement  qualifié de prostitution électorale
qui au mépris des combats menés par nos aïeux
au mépris d'idéaux
nous détourne aujourd'hui d'un quelconque progrès
vers ce que l'on voulait être la démocratie

 cette actualité déprimante qui préoccupe mr et mme toutlemonde
en dehors de me débèqueter
n'a pas laissé de m'interroger :
dois-je y prendre part
quelle responsabilité m'incombe aux vues des luttes passées
quels choix se présentent à moi
ais-je le choix
ais-je un choix


j'ai malgré tout cherché de ci de là
des réponses
en aucun cas
aucun papier
aucune émission
aucune diffusion
rien de ce qui nous est assigné
comme média de l'information
ne m'en donne
ni ne m'en donnera
bien que des millions de petites voix
n'ont de cesse de le répéter
nous ne le crions pas encore assez fort
les médias ne nous dirons
que ce que le pouvoir et l'argent
leurs dicteront
ainsi
et maître gonzo le soulignait innocemment
comme la moitié de la planète
ferait n'importe quoi
pour 1000$ net au mois
nous ne serons informés
que de qui est susceptible de nous les garantir
sans qu'il oublie le lubrifiant
lorsqu'il nous la mettra

30.1.12

Un mégot au fond des yeux

Au réveil, je découvre avec horreur que je me sens exactement comme hier matin. Que je suis exactement là où je m’étais laissé - lassé - la veille.
  Animé d’une force molle, un orteil flasque sort son nez de dessous la couverture, puis un autre, et c’est toute une jambe qui dégouline du lit pour s’écraser partiellement au sol. Rejointe par la seconde dont le genou heurte le sol dans un choc assourdi. Rien d’inhabituel jusque-là, je me dresse et continue donc sur la voie des us matinaux : se traîner en cuisine – ouf, ça n’est que 4,80 mètres plus loin – réchauffer le café de l’avant-veille (je fais beaucoup de café une fois tous les trois jours), trouver un petit déjeuner potable équivaut ce matin à une pomme, dont moins d’un tiers seulement est pourri, suivie d’une biscotte rassie.
    Avant de partir j’entends Léa remuer et grommeler. Habituellement elle ne se lève pas avant … mmh, quand elle en a envie. Cela fait un mois et demi qu’elle a perdu son job pour « conduite trop évasive », elle fumait beaucoup de hash. J’ai dû la « déranger » parce que là, elle s’est levée, s’est dirigée, titubante, jusqu’à la cuisine et s’est allumée un joint de la veille en se servant du café. On est restée un instant à se contempler d’une léthargie complice (nos sales gueules n’ayant rien à envier l’une à l’autre) avant qu’elle ne me jette :
-    T'as l'air...
...d'un cendrier.
  J’ai haussé les épaules et suis allé vérifier ses dires devant un coin clair du miroir crade de la salle de bains. J'avais comme un mégot au fond  des yeux.
 Sans un mot, j’ai quitté l’appartement et ai entamé ma lente progression vers les bureaux de l’EAM.co, une société d’assurances. J’y suis assistant polyfonctionnel. Larbin. Bien dans leurs rails, mes deux jambes mènent le pas sans rien me demander, elles connaissent le chemin, et mon esprit s’égare.
  Mais où est donc passé le temps où, comme HFT, je "pédalais dans les nuages au milieu des petits lapins" ?

5.11.11


M’est venue l’idée de me poser simplement – sobre – pour faire le point. De réfléchir vraiment à tout ça, me remettre en question, éclaircir ce qui, en vrac, m’est apparu comme une piste du problème : si je n’ai pas de but, comment bien l’atteindre ? Ainsi, c’est donc un but que je recherche, et non son accomplissement. La quête d’un moyen sans fin en perspective.  Et ainsi de suite, mes neurones se sont emberlificotés pendant un temps interminable dont j'ai perdu la notion. La première question étant absurde et le reste tiré par les cheveux à partir de cette première, toute la quête n’était donc qu’une farce.

  Une nuit, je me suis réveillé en me disant que je cherchais le St Graal. Enfin, une bricole du genre. Ça, ça avait de la gueule ! J’ai pris des rapides, la vérité coulait comme une rivière, un torrent, des cascades de révélations au centre nerveux. Je tenais plus en place. Pris dans le flot.

  J’enfourche la bécane, plein gaz des étoiles dans les yeux. Les rapports s’enchainent, 1, 2, 3… je suis déjà à 140, mais, est-ce que j’ai pris mes clopes ?

  Et voilà, le temps de me poser cette question stupide, je n’ai plus rien compris jusqu’au lendemain, où je me retrouvais près d’une rivière. Réveillé dans une position incongrue à une distance toute aussi incongrue de la route sur laquelle je filais. La chute a été vraiment impressionnante d’après le ravin parsemé de buissons et d’arbres que j’ai dû escalader jusqu’à la route mais je n’avais que quelques égratignures, une énorme bosse et aucun souvenir depuis que j’ai douté d’avoir mes cigarettes. Que j’avais d’ailleurs, heureusement. J’ai trouvé la moto désormais sans véritable siège posée sur un arbre, bloquée par son pot d’échappement en crochet. À part une roue à peine voilée, elle a eu autant de chance que moi. La chance ! Si quelqu’un jouait avec moi il devait avoir un joker. J’ai probablement dû mettre un bon coup de tête au premier arbre qui passait par là, et, inconscient, mon corps est devenu assez souple pour me laisser dévaler le ravin. Le pantin tel un roseau sous le tempête. Je me suis posé dans l’arbre à côté de la moto et j’ai fini mes clopes. Voilà à qui illustrait bien le genre de péripéties auxquelles j’étais sujet ces derniers temps. Et grimper dans un arbre pour fumer n’en était pas la moindre.

12.10.11

sans titre

La rame de métro a fini sa course place Jean Jaurès. Personne à l’intérieur, ni sur le quai, ni dans les corridors dont le carrelage ne fait résonner qu’un silence martelé. Une veste laisse pendre désespérément sa manche en treillis bariolée de clous.  Son corps avachi, recouvert d’un patchwork noir/blanc d’effigies et noms de groupes au caractère gribouillé, ne demande qu’à retrouver sa forme. Les coutures sont parfaites et les picots biens rangés les uns derrière les autres. A la queue-leu-leu jusqu’au poignet absent.  Maman a mis la main à la machine à coudre. Je monte.

  Une jolie fille me fixe d’en face, à travers la fenêtre. Jolie. Un visage lisse, symétrique, encadré de mèches folles, blondes à souhait,  grands yeux parfaits, d’un bleu profond, qui m’aspire, chaleur-vertige-déséquilibre, (s’est-elle penchée en avant ou c’est moi ?) un souffle chaud, magnétique, chatouille ma peau et libère mon sang glacé par le vide.  Trop jolie. Mais pour qui ? Une utopie physionomique dans un  18€ 99 d’étoffe tendance ! Top la ! Clin d’œil, sourire collegate, c’est Toi la Reine !
Je sors, je décroche l’affiche vite fait bien fait pliée rangée ni vu ni incognito.
Clic !? Je remonte. Bruit. L’écho vient d’en face. Non. Derrière.

  La vache.

  J’ai craqué. Là, tout de suite, je me demande si cette foutue histoire est vraie. Je ne sais pas ce qu’il pouvait bien y avoir là-bas mais j’ai fait un raffut du tonnerre et galopé sans demander mon reste, ni la veste du kid. Dans mon petit safe-coin je saute sur la première boîte qui passe et gobe deux cachetons. M’affales sur un canap, bug cinq secondes sur une boule à neige, qu’est-ce qu’elle fait là ? Le rideau Tombe.  S’en extirpe délicatement la jolie blonde. S’en éloigne doucement. Viens-je de me réveiller ? Les spectateurs sont en fait déjà tous partis. Elle s’approche surement de moi pour me prier de rejoindre le hall. Il faudra surement lui avouer que mon siège semble avoir le dessus sur ma volonté. Elle me parle, elle est très près, j’inspire fort. Woaow ! Une explosion de couleurs en myriades saisit l’espace qui m’entoure, sa vibration résonne sur ma fréquence, battant de plus en plus vite,  jouant avec mon cœur, comme les yeux, ses yeux à elle, m’irriguant jusqu’à leurs rivages, sur, cette plage, déjà-vu, tropicale, eau scintillante, nos reflets dans un joyau  turquoise enflammé. L’astre tombe de l’autre côté, faisant éclater dans son dos une nuit de 14 juillet cosmique. La fille m’appelle, je me retourne dans le noir et… Aïe ! Bordel, je sue comme une éponge, mon palpitant fonce comme un dératé et je me réveille sur une béquille. Je plonge ma main pour la saisir et la remettre à sa place, là où elle ne fait mal à personne. Me redresse nerveusement, je vois clair par alternance, un bruit cotonneux dans les oreilles. Bribes oniriques dans le brouillard sous ma crinière, mais quelle nana ! dingue ! Un doute vicieux s’insinue et lance mon bras qui attrape mon sac pour trouver l’affiche arrachée bien cachée. C’est un bras rassurant qui l’ouvre, dévoilant le visage et soulevant une chape d’informations brouillées. Je m’écrase sous les blocs de souvenirs et de rêves emmêlés qui me tombent dessus sans prévenir. Créant entre eux tout un réseau accompagné de couleurs et de sensations, d’énergies synesthésiques. Dans tous les Sens. Ma veste est de plus en plus confortable et ça me fait rire alors je me lève et je vais voir sur une table ou sur une autre, d’autres planètes, la bleue la noire, quelle boîte ? quelle pilule ? Je me marre carrément ! je tourne les yeux, trouvés ! je saisis la boîte. Je ne sais même pas pourquoi en fait. Donc je la repose en me disant que j’ai pas besoin de MDA tout de suite. D’ailleurs, je suis peut-être déjà assez défoncé. Mais-oui-c’est-ça ! Je voulais savoir ce que j’avais bien pu avaler par deux. Je ramasse la jeune fille trop tendance et malgré un fou rire persistant, j’entreprends de la découper en un morceau qui favoriserait sa dégustation. Me suggérant d’enlever le prix pour que l’image s’offre mieux d’elle-même. On ne vend plus ces rêves la de toutes façon.

  Après avoir déliré deux heures en gribouillant le croquis douteux du mur de ma cuisine qui s’envelopperait sur lui-même pour me prouver que les choses ne sont pas figées et que l’on peut toujours faire quelque chose, je prête finalement attention à un bruit désagréable qui m’apparait du coup comme provenant de moi-même. Et histoire de faire quelque chose je cours après une boîte, une réserve, une corne d’abondance fantasmagorique se dessinant mentalement dans chacun des coins, cellules cubes cages unités rangées ergonomiques, les fameux quatre coins du carré tyrannique, tiroirs et recoins, autant d’espaces dont le nombre oppresse tant il est ridicule. Dans un rayon d’action de la taille de mon corps, j’effectue une chute brutale sous ce ciel fermé qui tout à l’heure me chantait les astres…

  Je ne peux plus me mentir bien longtemps. En fait, vu l’état des lieux, c’est l’heure de faire les courses ! La Faim. Parmi d’autres réalités qui me cernent. La faim a un avantage fantastique. Vaincu par la solitude, l’abandon, la flemme léthargique puis la défonce, la parano, le délire et l’angoisse, dans l’incapacité d’en sortir… la Faim me permet de me lever et d’aller vite y remédier avant qu’il ne soit trop tard, elle me rappelle à la vie, dont la survie donne un sens, une direction. La quête sacrée ne se soldant non pas d’une pénurie totale mais d’un morceau de gingembre pas encore pourri. Je croque dedans et je sors.

  Plein Nord. 140 à l’heure la crinière au vent. Je ne mets plus de casque depuis un moment mais je flippe toujours du bruit de ce matin.  A ma connaissance, cela pouvait provenir de tout un tas de choses allant de rien à n’importe quoi. C’est très étendu. Je cogite vaguement sur ce thème en faisant serpenter mon gros cube dans le paysage ostensiblement calme. La campagne. Ça évolue à son rythme.  Cette trouille est étrange cependant il est clair que depuis la visite de la villa de je ne sais quel Businessman, Artiste ou Junkie de luxe bourré des drogues connues à ce jour, mon imagination concernant les infinies et variées possibilités de ma mort subite s’est développée au point qu’un simple bruit comme ce matin m’annonce la fin. La cambrousse terminant son défilé d’aspect photographique tant il est immobile et devenant banlieue, j’arrête la bécane. Je ne sais pas ce que c’est, un roadster typé agressif dont l’esthétique de prédateur étincelante a du morfler dans un joli crash. Ça marche toujours mais j’e n’y connais rien, j’apprends sur le tas. Dressés à quelque centaine de mètres, les bâtiments de la ville ont l’air laissés là au hasard par un enfant qui n’y croyait déjà plus. Après la descente, la virée ayant calmé la parano qui ne se transforme qu’en cynisme, il est temps de se concentrer. Être attentif, aux aguets et y aller. Je cherche une épicerie, je crois.

  Taquinant de la seconde et troisième, je joue des hanches, zigzaguant entre les véhicules. J’ai reprisé d’une poudre sans nom comparé à quoi le Raide Boule est Mou et boosté à mort je profite carrément de la superbe reprise de l’engin. Je m’exclame : « Quelle joie de danser en moto sur le trottoir ! » Le lampadaire hoche de l’ampoule pour appuyer mes propos. Dans un accord tacite, la ville se joint à ma chorégraphie, les poteaux et les murs se penchent pour m’accompagner. Derrière un splendide virage relevé dans un coude de la route, je défie son code barré d’un « STOP »à la sortie d’une ruelle, fonçant sur une poubelle surprise venant me donner la courte-échelle. Mais le deux-roues semble ne pas suivre ma démarche et en une fraction de seconde je vois tous mes acolytes me lâcher. Qui a coupé la musique ? Tout le décor, les bâtiments, les enseignes, tous s’arrêtent, seul la vitrine d’en face me saute dessus. Alors, en boule, je lui explose sa surface ! La confrontation est brutale mais je gagne. En quelque sorte. Cette victoire ne me laisse que peu de superbe, fortement endolori et plein d’un sentiment de trahison, je braille : « Ben les gars ! Ça va pas ou quoi !? C’était quoi ça, là ! Hein ? Bordel, qu’est-ce que vous m’avez foutu… » Et, nerveux, je continue sur ce ton pendant cinq minutes en pataugeant dans les divers tissus luxueux et coussins au milieu du canapé, très chic mais brillamment fendu en deux, d’une boutique de meubles. Extirpé du fatras, je prends du recul sur mon œuvre. Le résultat, disons, la mise en valeur des objets en vente ne concerne plus le même type de public après mon passage. Je suis moi-même tenté de récupérer une superbe lampe de chevet aux airs de matériel de dentiste. Toutefois, le nouveau style de la façade ne jure pas avec le reste de la rue. Dans laquelle m’attend sagement l’épicerie cherchée. Ce qui me ramène à mon ventre, lequel prend les commandes jusqu’à satiété. Mes gestes sont presque délicats. Au moins pour manger, le corps est autonome. Le cerveau lui, d'un coup privé de son utilité, prends quelques degrés... il se penche, c'est glissant. Grisant selon le sens du degré...
 "Comment en suis-je arrivé là?"  En rembobinant depuis l’immédiat. Mon malentendu avec la boutique d’ameublement. Les acrobaties et la course effrénée, démente, dans un état halluciné… Pourquoi ?

  La magie activatrice de la Faim s’estompe lors de la digestion,gratifiant l'instant d'un pause. Mais quelle est la suite ? Un retour speedé au safe-coin. Et puis ? Goûter à cette mystérieuse poudre violette ? Certainement, et puis gribouiller des architectures psychédéliques, tourner autour de la Question, la retourner, se la poser, la faire revenir et puis mijoter le temps d’une cent-treizième cigarette sans dormir et puis faire des p’tits ronds en bullant… Je commence mollement à remplir mon sac d’objets hétéroclites, errant dans les rayons, gaz, nouveaux crayons, des piles, un zèbre en peluche violet, des boîtes, allumettes, cacahuètes, paires de chaussettes… quelque magazines de moto avec plein de nanas en plastique pour attraper les yeux, donner du rêve… Pas n’importe quels rêves, étudiés en laboratoires et perfectionnés au paroxysme avant d’être placardés sur des panneaux de plusieurs mètres et vendus. Je me souviens de l’un d’eux particulièrement touchant sur un arrêt de bus. Rien que la phrase d’accroche d’une police délicieuse te met presque mal à l’aise. Te regarder dans les yeux, mais of course, tu dis les yeux ! Me loger dans tes wonder bras surtout. J’arrive. Pas de prix pour le coup, bien vu messieurs les blouses blanches. Mademoiselle, si tu recroises mon chemin tu feras partie des bagages. Aujourd’hui, le bout de tissu n’a aucune valeur comparée à l’image elle-même.  A part le rêve, que me reste-t-il ? Comme pris d’une envie de pisser, je quitte ma béatitude pour sortir vadrouiller. Zoner. Seul. Je ficèle le zèbre en peluche à la place d’un éventuel pare-brise pour ma bécane. Classe. Je pars chercher la brune aux bras merveilleux. Ça me fait au moins un objectif à court terme.